Fourgon OCEM Midi

Après la première guerre mondiale, la nécessité d’uniformiser le matériel roulant se fait sentir. A cette époque, plusieurs compagnies de chemin de fer se partagent le territoire français et chacune utilise son propre matériel. En 1919, l’Office Central d’Études de Matériel de chemins de fer fut constituée pour répondre à ce besoin.

Les fourgons OCEM Midi

Son bureau d’étude « voitures et wagons » est à l’origine des grandes séries de voitures OCEM grandes lignes à destination des compagnies. En complément de ce parc de voitures voyageurs, on entreprit l’étude de fourgons aptes aux grandes vitesses. La compagnie du Midi commanda une série de 50 fourgons à bogies auprès de l’OCEM qui seront construits par Dyle et Bacalan entre 1928 et 1929. C’est de cette série qu’est issu notre fourgon Midi, rachetée à la SNCF dans les années 80 pour le préserver et par la suite le restaurer. Numéroté 25046 à sa livraison à la compagnie du Midi, il devient 25446 au PO-Midi (ces deux compagnies ayant fusionné). Numéro qu’il conservera pendant les première années de la SNCF, avant le « numérotage » de 1950 ou il deviendra le 49195.

C’est un fourgon de type OCEM RA DPmyi. Explication rapide de ce charabia : ce véhicule est à rivets apparents (RA) comme c’était le cas pour d’autres séries de fourgons mais aussi de voitures, les Bacalan sanitarisables par exemple. Nous apprenons également que c’est un fourgon équipé d’un compartiment postal (DP). Enfin, les lettres myi signifient que notre fourgon est de construction métallique, équipé de bogies et d’intercirculation par soufflets. Ce type de matériel avait une vocation mixte, étant employé à la fois pour la poste, les bagages et comme wagon serre-freins. Ils étaient incorporés dans les trains rapides de la compagnie du Midi comme par exemple le Sud Express (Paris – Madrid) sur le parcours Paris – Irun (frontière espagnole).

Les PTT montent à bord

Comme nous l’indique son immatriculation, notre fourgon est équipé d’un compartiment postal en plus de celui des bagages. Fait amusant de nos jours, mais très logique si l’on se replonge dans le contexte de l’époque : à la fin des années 1920, le chemin de fer règne encore en maître sur le territoire et le transport des marchandises y est important. Le courrier est lui aussi acheminé par le rail, il n’est donc pas surprenant que les compagnies soient équipées pour cet usage. Ainsi, un espace aménagé est à disposition des agents des PTT qui sont affectés au tri du courrier pendant les trajets. D’ailleurs, sur le flanc de notre fourgon Midi, on distingue une boite aux lettres dans laquelle on pouvait directement poster son enveloppe depuis le quai de la gare ! A l’arrivée du train, les sacs de courrier étaient pris en charge par d’autres agents.

Ce système était très bien pensé : d’une part, le temps d’acheminement du courrier est mis à profit pour gérer le tri, qui n’est donc pas à faire sur un laps de temps dédié en entrepôt. Et d’autre part, le dépôt d’une lettre est possible à chaque arrêt du train dans lequel est incorporé le fourgon, les plages horaires pour poster s’en retrouvent étendues. Ainsi, on gagne en rapidité et en efficacité !

Le temps des "cocottes-minutes"

Pendant des décennies, le chauffage qui équipe les voitures des compagnies est assuré par les locomotives à vapeur. Mais les machines électriques et diesel ne sont pas aussi bien équipées pour cet usage. Dans le parc thermique, seules quelques séries seront équipées d’une chaudière (A1A 68000/68500 par exemple) mais pour les autres, il faut trouver une solution. Des fourgons aménagés existent déjà depuis longtemps, on peut citer ceux du PLM construits à Arles en 1916, équipés provisoirement de chaudières de locomotives 030T radiées. Après la fusion des compagnies en 1938, la conception assez ancienne de certains fourgons-chaudières incite la nouvelle société nationale à entamer la transformations de modèles plus récents.

Les 50 fourgons ex-Midi ont l’avantage de disposer d’un grand volume utile, ce qui va amener la SNCF à faire transformer 10 véhicules de la séries par les ateliers d’Epernay en 1957 et 1958. Deux types de chaudière sont utilisées : Brola 700S à tube à fumée pour les 6 premiers et et Vapor-Clarkson DK-4616 pour les 4 derniers. Chaque fourgon, muni de 2 chaudières, est capable de produire 1600kg de vapeur par heure et peut assurer le chauffage d’une rame de 15 à 20 voitures avec 10 heures d’autonomie ! On profite de ce passage en atelier pour supprimer leurs 2 soufflets et les doter de bogies Y20 plus modernes. Extérieurement, ces 10 nouveaux fourgons-chaudières sont très ressemblants. La seule différence réside dans le nombre de hublots et de fenêtres ! Pour ce qui est de leur livrée, ils ont longtemps conservé leur belle robe verte à toit gris, puis ont été unifiés au reste du parc en recevant les 2 tons de bleu « diesel » à bandes blanches.

Radiations et sauvegarde

Avec l’avancement du chauffage électrique, les fourgons-chaudières sont de moins en moins sollicités. Les voitures voyageurs sont maintenant équipées de leur propre système de chauffage et même de climatisation, c’est le cas des Corail mises en service à partir de 1975. Les fourgons ex-Midi OCEM RA seront réformés en 1979, alors que les véhicules à essieux plus répandus et plus perfectionnés resteront en service jusqu’en 1987. Les 40 autres ex-Midi de la série, qui ont conservé leur rôle de fourgon à bagages, resteront en service encore quelques années. Les derniers d’entre eux ne seront réformés qu’en 1984.

Le numéro que nous avons n’a pas été réaménagé en cocotte-minutes par la SNCF, cependant il a tout de même été transformé aux ateliers ex-PLM de Clermont-Ferrand… par nos bénévoles ! Si l’aspect extérieur a été conservé pour des raisons de patrimoine, l’intérieur a été adapté à nos besoins : il est aujourd’hui équipé d’un groupe électrogène nécessaire à l’alimentation électrique de notre voiture-bar, d’une réserve d’eau annexe pour le tender de la 141R420 et de caisses d’outillage.

L’association a racheté cet exemplaire désormais unique peu après sa radiation par la SNCF dans les années 80. Sa restauration et son réagencement intérieur ont débuté, lui permettant d’accompagner la 141 R 420 pour ses voyages. Son cycle de maintenance l’amène à être expédié vers des ateliers spécialisés pour une révision de ses organes en 2020, accompagné de 3 voitures voyageurs. Une nouvelle remise en peinture est prévue pour limiter l’usure du temps.

De 2022 à 2024, d’importants travaux de carrosserie sont entrepris pour assurer sa pérennité. La confection de nouvelles parois est parfois nécessaire et une campagne d’étanchéification est lancée. Juste avant le week-end du Morvan organisé par l’association en mars 2024, la peinture extérieure est achevée. La livrée se veut au plus proche des débuts de la SNCF avec un vert 306 éclatant et des marquages « jaune bouton d’or ».